Mercredi 9

C’est le grand jour, je me lève à l’aube pour petit déjeuner puis fonce au quai pour aller prendre une dernière douche et hop, aux autorités. Une fois la clearance faite me voila reparti pour le bord, presque prêt à partir. Je range les derniers trucs qui trainent (il traine toujours quelque chose sur un bateau), je mange et prépare le bateau. Voiles en place, moteur en bas, je regarde le pont, tout es ok. C’est presque l’heure du départ. Manque de pot un gros grain tropical vient m’inonder, départ reporté à après ce paquet d’eau douce, je n’ai pas envie de partir comme ça.

Après la sieste le ciel est dégagé, j’allume le moteur, décroche le bateau et nous voila parti, le Cré et moi pour Grenada. Je regarde s’éloigner la côte sans ce soupçon de regrets que j’ai toujours éprouvé jusqu’alors. Je devais vraiment en avoir marre du travail au chantier et puis, cette fois ci, pas de français avec qui faire une petite ballade en ville donc pas d’attache supplémentaire à terre.

J’ai eu le temps de saluer Michaël avant le départ, mes civilités sont donc à jour J. Au sortir de la bouche du dragon la mer est agitée, le vent présent. J’arrête Bourriquet, pose Gudule (le régulateur d’allure) et monte les voiles. Je file directement 5 nœuds vers le large, ça s’annonce sport dés le début. Je suis au près bien entendu, c’est la pire allure pour la ballade mais celle que j’aurais pratiqué le plus depuis le début de cette aventure. Quelques heures plus tard, je passe la ligne Atlantique/Mer des Caraïbes. Il s’agit vraiment d’une ligne, d’un coté mer hachée et houle haute de l’autre coté, mer calme et houle longue. Le vent reste le même je file donc plus de 5 nœuds maintenant dans la nuit tombante et la mer calme.

Je n’écoute pas de musique malgré l’envie ; Je me rappelle le départ de Dégrad des cannes, musique aux oreilles qui c’est fini par un retour la queue entre les jambes. La superstition du marin apparait. Devant le manque de maitrise des éléments on met un rempart mystique. Ça a beau être un mécanisme que je connais, je n’arrive pas à y résister.

La nuit s’écoule donc, tranquille, je dors une heure, fais deux fois le tour complet de l‘horizon, remet le minuteur pour une heure et me rendors. La quatrième fois c’est le Mer Veille qui me réveille. Ce charmant dispositif qui détecte les échos radars et qui se met à hurler sans discontinuer dés que la source est trop près. Il y a en effet une demi-douzaine de sources de lumière devant moi. Que du blanc bien sur, rien d’identifiable. Je scrute les lumières en essayant de voir si ça bouge et vers ou. Il ne semble pas y avoir de mouvements. J’ai un doute affreux, le compas donne le bon cap mais j’ai l’impression de foncer à plus de 6 nœuds maintenant vers la terre. Je mets difficilement en panne vu le vent et je scrute encore dans la nuit noire. Aucun signe de terre. Je vais contrôler sur la carte, pas de terre devant, juste une de ces plateformes pétrolières et ces lumières blanches éclatantes à 5 miles les unes des autres. Je remet donc en route, pas trop rassuré tout de même pour finir par passer près d’un bateau de pèche, éclairé comme pour la fête. Je n’avait encore jamais vu tant de lumière sur un bateau, c’était impressionnant de clarté. Je voyais les gars bouger sur le pont et le filet en cours de remontée, comme au cinéma. Surement un bateau américain, je ne vois pas les gens du coin faire une telle dépense d’énergie juste pour se voir pécher. Le reste de la nuit se passe bien. Je suis ma route toujours à 6 nœuds dans une mer plate, le bonheur.

Jeudi 10

Le point me pose très à l’ouest de Grenade, j’ai bien marché durant la nuit et le vent se maintien. Il se renforce même au point de me faire prendre deux ris à la grand voile et de passer au foc 2 (plus petit) en voila d’avant. Le ciel est noir à l’ouest. Je décide que Grenade ne veut pas moi et allonge vers les grenadines. La mer maintenant est grosse. Les rafales de vent en arrachent de l’écume et je fonce autour de 10 nœuds dans les embruns.

J’ai de la musique cette fois, la première nuit à calmé mes peurs. Je fonce en écoutant le live de Voulzy qui correspond pile à mon humeur, content…

Finalement de plus en plus de mer m’empêche d’approcher aussi des grenadines de jour. Je n’ai pas envie de me retrouver de nuit dans les hauts fonds donc décide de pousser jusqu'à Sainte Lucie. La nuit passe sans aucunes rencontres. Le vent et la mer se calme un peu et je peu dormir confortablement sur le pont sans me retrouvé couvert d’eau de mer.

Vendredi 11

Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. Après le noël en mer avec Olivier malade et le nouvel an à manquer de mourir à Fortalesa j’ai une nouvelle poussé d’anxiété. Je touche souvent le talisman de retour à la maison offert par Zoé et porte sur moi le piffou (nom déposé et modèle uniqueJ) fait par Ninette et offert aussi par Zoé à l’aéroport. La mer se calme progressivement et le ciel est dégagé. Je poursuis ma route et me rends compte de fort courant dans certains passages. Confirmés sur les points, ils m’éloignent de la terre. Je passe au près serré. Je reprends une route correcte pour arriver à Saint Lucie. Le confort n’est plus du tout à l’ordre du jour. Le bateau gite et tape dans les vagues. Ça doit amuser quelques dauphins qui viennent jouer devant l’étrave un moment.

On avance comme ça jusqu'à midi ou là, d’un coup, en plein pendant la sieste (une vraie vie de bagnard, j’vous dis…), le vent décide de stopper net. Ça me réveille brusquement, je me demande ce qui se passe et monte rapidement sur le pont. Là, rien, juste le bateau qui termine d’avancer sur son hère et balance doucement de gauche à droite. Je regarde la mer, le ciel, tout est lisse, je suis en pleine pétole. Je regarde le loch qui m’indique tout de même un nœud ; j’avance donc. Je relâche rapidement les ris pris dans la grand voile et change la voile d’avant pour le génois. Les voiles se gonflent de temps en temps et passent aussi du temps à pendre. Je trouve un brin de vent nord/est qui me permet d’avancer doucement mais m’éloigne de ma route. Pas de problème, je tirerai un bord pour rattraper ça. Je passe le reste de la journée à m’éloigner de terre à 2 nœuds. Je me fais une pleine casserole de riz aux légumes arrosé copieusement de sauce soja et voila de quoi me nourrir pour la journée. Le soir arrive avec un vent plus soutenu mais plein est ce coup ci. Je garde le génois et ne change pas de route. Je regarde circonspect les voiles persuadé que j’aurais à les changer durant la nuit. Je conserve la même route et passe rapidement aux 5 nœuds réglementaires. Le bateau bouge un peu et je sens bien bien le vent et renonce au gros Cohiba que j’avais réservé pour l’occasion.

La nuit tombe sur le même temps, le ciel est magnifique, je vois des milliers d’étoiles et les brumes qui les entoure. Je passe deux bonnes heures à les regarder, j’adore la nuit en mer pour ça. J’adore aussi les phosphorescences, dans l’eau, créées par les planctons dérangés par le passage de la quille et qui brillent le long de la coque.

Samedi 12

Au matin, j’approche de Sainte Lucie, j’ai viré de bord comme prévu pour prendre une route me rapprochant. J’avance bien. Je déjeune chichement, persuadé que je serai pour midi au port. Hélas, pas de chance peux après le levé du jour je me retrouve dans la même pétole que la veille et là, pas question de reprendre une route m’éloignant, je n’ai pas de visa pour Cuba…

Je décide de passer au moteur. Bourriquet démarre sans coup férir, il m’approche de la cote à 5 nœuds. J’ai juste conservé la GV en cas de velléité venteuse voulant bien s’additionner. C’est à moins de 10 miles de l’ile que le vent reviendra, en force. M’obligeant à ranger le moteur rapidement et à remonter la voile d’avant. Comme un c.. je remonte le génois. Vu le vent, impossible de faire quoi que ce soit avec une voile aussi grande. J’essaye un peu et arrive juste a copieusement coucher le bateau sans prendre la moindre vitesse. Je redescends rapidement la voile pour en coller une plus petit et en profiter pour prendre un ris à la GV. Le bateau devient manœuvrant. Je n’ai pas remis Gudule, seconde erreur, je ne peux pas faire barreur et équipier, le bateau tourne en rond. Impossible de faire quoi que ce soit de bien. Ce n’est qu’une fois le régul en place que je vais pouvoir m’amuser à tirer un millier de bord pour arriver à cette foutue ile. J’y arrive finalement en fin d’après midi, parmi une dizaine de voiliers sous voile.

La baie est jolie, bien protégée par les montagnes. Je m’approche pour rentrer au moteur. Je descends les voiles près de grands voiliers américains à l’ancre là. Je suis trop loin de la plage pour y aller en annexe. Je décide d’y aller au moteur, au moins pour voir comment ça se passe au bord. Et là, bien sur, Bouriquet ne veut rien savoir. Ce coup-ci, c’est la pompe de mise en pression du carburant qui a lâché. Rien à faire, je n’ai pas la pièce et le bateau dérive dangereusement vers la montagne. Je balance l’ancre pour me laisser le temps de chercher un palliatif à cette fichue poire en caoutchouc et ne trouve rien. Je repars donc à la voile pour essayer de trouver un mouillage plus près du port. Finalement, un taxi du coin viendra me voir pour me proposer de l’aide. J’accepte, il me remorque jusque dans le port.

Me voila attaché à une bouée, au milieu de villas de milliardaires avec leur decks perso devant la maison. Je me pose enfin. La journée à été longue.

Mon taxi me propose de me déposer à la marina pour que je puisse lui donner son dû (non encore défini) et éventuellement faire mes papiers d’entrée. Je lui demande une demi heure pour me poser et ranger un peu. Un peu plus tard, après avoir tiré de l’argent et avoir payé une somme raisonnable à mon rasta de taxi, Malakaï de son prénom, on fait le tour du coin et il m’indique les endroits sympa et pas cher autour de la marina. Il me laisse au bateau vers 8h00 avec mon diner, je suis vidé, je peux à peine manger.

Dimanche 13

Debout de bonne heure, je n’arrive pas vraiment à dormir. Je mets en place le taud de soleil et sors le couple annexe/Evinrude. Le petit moteur est un peu grippé, il va falloir que je le démonte pour le graisser, l’eau de mer, c’est décidément pas bon pour les moteurs.

Voila, il est 4h00. Mon entrée est faite, j’ai bien mangé ce midi, j’ai un peu dormi et on a bossé sur Bouriquet avec MalakaÏ. Il m’a montré des trucs sur les hors bord et ensuite on a essayé sa pompe. Tout fonctionne. Il se peut que je parte mardi pour la Martinique histoire d’essayer de trouver les bruleurs pour ma gazinière ou alors je trouve une solution tierce ici et je pars d'ici directement. A voir, je commence à franchement avoir envie d’y aller.

Journal des derniers jours

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